Les Mages : des annonciateurs d’un
nouvel âge (Mt 2,1-12)
Michel
Proulx, o. praem.
Scriptura, vol. , nº 7
(nov. 1991), p.
49-58.
Mt 2,1-12 rappellera sans doute aux catholiques des
coutumes liées à une fête que plusieurs
continuent d’appeler « les rois » malgré les
changements liturgiques apportés par Vatican II.
J’ai souvent tenté l’expérience
suivante avec des classes qui participent à un
cours d’introduction à la lecture des Évangiles.
Je leur pose cette question : que vous souvenez-vous
du texte de Matthieu où il est question des mages ?
La réponse donnée est à peu près
toujours la même : « Ah oui !
C’est le fameux texte des trois rois-mages qui
viennent adorer l’enfant nouveau-né. » Et,
il y en a toujours qui sont fiers de montrer qu’ils
connaissent bien les textes évangéliques
et qui se font un point d’honneur de préciser : « Il
y en avait un qui s’appelait Melchior, un autre
Balthasar et un troisième Gaspar ».
Or, on se trouve ici devant un cas exemplaire illustrant
le fait que des données culturelles, une tradition
d’interprétation ou même des usages
liturgiques peuvent, à certains moments, nous
rendre aveugles en face d’un texte biblique. C’est
ce dont se rendent compte les mêmes étudiants
lorsque je les invite à confronter leurs souvenirs
avec la réalité du texte matthéen.
Ils se rendent vite à l’évidence
que le récit lui-même infirme un certain
nombre d’images dont ils étaient porteurs.
En effet, l’auteur ne dit rien de la condition
royale des mages. Plus grande déception encore :
le texte ne précise ni le nom ni le nombre de
ces mystérieux personnages ! En fait la tradition
a puisé ces détails à la source
de récits apocryphes et, en particulier, au « Livre
arménien de l’enfance » (1-).
Laissons donc de côté ces précisions
qui n’appartiennent pas à notre récit.
Efforçons-nous plutôt de nous en tenir aux
matériaux fournis par l’auteur matthéen
et ce, en vue d’en saisir la logique propre. Le
récit qui nous occupe n’a rien d’une
petite histoire anecdotique. À travers un langage
hautement symbolique, il aborde des thèmes théologiques
d’une importance capitale pour les chrétiens
d’origine juive de la fin du premier siècle.
En effet, l’auteur va nous redire sa conviction
de foi selon laquelle Jésus, né à Bethléem,
réalise bel et bien l’attente d’un
messie portée par le peuple juif. Mais en outre,
et c’est sur cela que nous mettrons l’accent,
il nous montrera que les mages sont des annonciateurs,
en paroles et en actes, d’une ère nouvelle.
Les mages : étude de vocabulaire
Dans un premier temps, essayons
de mieux percevoir qui sont ces mages que nous présente
Mt 2,1-12. Attardons-nous un instant au vocabulaire pour
voir si nous pourrions en tirer quelques informations.
On constate que le terme « mage » n’est
en fait que la translittération du terme grec magos.
Et si l’on consulte une concordance du Nouveau
Testament (2-),
on réalise immédiatement que nous sommes
en présence d’un mot rare. On n’en
trouve aucune occurrence chez les trois autres évangélistes.
Seul l’auteur matthéen l’utilise à trois
reprises : deux fois dans notre portion de texte
et une fois en 2,16 qui se trouve en relation directe
avec notre récit. En fait, notre auteur ne fournit
guère d’information qui nous permettrait
de savoir ce qu’est un mage. La seule précision
(bien mince) qui nous est donnée est qu’ils
sont apo anatolôn (2,1), ce qui signifie
qu’ils viennent de l’Est, de l’Orient
ou plus littéralement, des régions du soleil
levant. Or, cela n’est pas un renseignement satisfaisant
puisque, pour les Juifs, on désigne ainsi tout
ce qui vient de l’autre côté du Jourdain.
Les deux seuls autres emplois du terme sont concentrés
dans un même récit des Actes des Apôtres
(13,4-12). Ce passage décrit la rencontre de Barnabas
et Saul avec deux mages : le premier, Bar-Jésus,
est qualifié de faux-prophète (pseudoprophètèn,
v.6), malgré son désir d’entendre
la parole de Dieu. Le second, Elymas (v. 8), est carrément
hostile aux apôtres et s’oppose à leur
oeuvre d’évangélisation. Il est présenté comme
quelqu’un qui détourne les gens des véritables
chemins de Dieu. Paul le qualifie de « fils
du diable » (huie diabolou) (v. 10).
Pour clore notre enquête néotestamentaire,
il faut encore citer Ac 8,9 où l’on retrouve
le verbe mageuô, employé au participe
présent. Il s’agit donc d’un certain
Simon qui exerce, pourrait-on traduire, le métier
de mage. Si on se fie à la description des agissements
de cet homme (vv 10-11), on semble avoir affaire à une
sorte de magicien qui illusionne les gens, qui leur jette
de la poudre aux yeux. Que peut-on conclure de tout ceci ?
Dans les Actes le terme « mage » est
très péjoratif. Il désigne des hommes
qui exploitent la crédulité des gens en
se faisant passer pour porteurs d’une supposée
puissance divine ou d’une supposée parole
divine.
C’est à peu de choses près le sens
que prend le terme magos dans ses emplois vétérotestamentaires.
On le retrouve à huit reprises dans la version
grecque de Daniel, dite de Thédotion (1,20; 2,2,10.27;
4,7; 5,7.11.15). Dans les huit cas, les mages figurent à l’intérieur
d’une énumération où ils sont
placés sur le même pied que les conjureurs,
les incantateurs et les chaldéens. Les mages apparaissent
donc comme un type de devins chargés, avec les
autres, de donner des avis de sagesse au roi et de lui
faire connaître l’interprétation des
signes qu’il pourrait recevoir de la divinité.
Au livre de Daniel, les mages ne sont pas présentés
sous un jour aussi noir que dans les Actes. Mais il reste
que, convoqués trois fois avec les autres devins,
ils sont incapables de fournir au roi le sens des songes
et des visions qu’il a reçus du Dieu d’Israël.
Le roi Nabuchodonosor les trouve aussi dix fois moins
sages que Daniel et ses compagnons (Dn 1,19-20). De cet
excursus au livre de Daniel, retenons que les mages – associés
aux autres devins – sont chargés d’interpréter
les signes mystérieux pour en révéler
le sens au roi, mais ils sont mis en échec par
le signe venu « du Dieu des dieux, le Seigneur
des rois » (Dn 2,47). À la lumière
de cette brève enquête de vocabulaire, que
peut-on dire des mages mis en scène par l’auteur
matthéen ?
Des païens ouverts aux signes de Dieu
D’entrée de jeu, nous constatons que les
mages de notre récit ne sont pas présentés
sous un jour négatif comme ceux que nous avons
rencontrés dans les autres livres bibliques. Bien
au contraire, ils sont ces hommes attentifs, capables
de percevoir les signes de Dieu et de les interpréter
correctement. De plus, ils sont ces païens qui se
laissent conduire par eux : « nous avons
vu son étoile au Levant et nous sommes venus… » (v.2).
Des païens remarquables par leur foi
Les mages de Mt 2,1-12 nous apparaissent comme des
modèles de foi authentique. En effet, ils sont
des hommes qui se sont mis en route sur l’unique
base du signe observé au Levant. Le signe a suffi
pour les mettre en marche. Quel que merveilleux que puisse
avoir été ce signe astral, il n’était
certainement pas dépourvu d’ambiguïté.
Tout comme ce sera le cas pour le reste de la vie de
Jésus, chacun des signes qu’il accomplira
prêtera flanc aux interprétations les plus
diverses (ex : Mt 9,33-34; 12,22-24). Mais les mages
ont opté pour l’interprétation de
foi. « En effet, nous avons vu son astre au
Levant et nous sommes venus pour nous prosterner (proskynesai)
devant lui. » (v.2)
Le verbe proskyneo doit retenir un moment
notre attention. S’il s’emploie fréquemment
pour désigner l’hommage qui doit être
rendu au roi lorsqu’on se trouve en sa présence,
il convient ici d’être attentif au sens technique
que l’auteur matthéen confère à ce
terme. Sur les 13 emplois dans le premier Évangile,
un seul (18,26) concerne l’hommage rendu au roi.
Et encore, la chose est ambiguë : ce roi se
révèle comme la figure parabolique de Celui
qui sera monarque dans le Royaume des cieux. À dix
reprises, c’est Jésus qui est objet de prosternation
(2,2.8.11; 8,2; 9,18; 14,33; 15,25; 20,20; 28,9.17).
Les personnages de l’Évangile qui se prosternent
devant lui sont ceux qui reconnaissent leur misère
et qui mettent leur espoir en lui pour obtenir une guérison
(8,2), la réanimation d’un mort (9,18),
un exorcisme (15,25). Même si sa compréhension
des choses demande à être ajustée,
la mère des fils de Zébédée
se prosterne devant Jésus parce qu’elle
le perçoit comme roi d’un royaume à venir.
Mais on trouve des emplois du terme qui s’avèrent
encore plus révélateurs du sens que lui
accorde l’auteur matthéen. Après
la tempête apaisée, les disciples dans la
barque se prosternent devant Jésus et ils verbalisent
dans une admirable confession de foi le sens de leur
geste : « Vraiment, tu es le fils de
Dieu » (14,33). C’est aussi le geste
posé par les disciples à l’endroit
du ressuscité (28,9.17). Finalement, au récit
des tentations, à Satan qui l’invite à se
prosterner devant lui, Jésus répond qu’à Dieu
seul revient le mérite d’être adoré par
le geste de la prosternation (4,8-10).
On voit donc combien l’emploi de ce terme est
lié, chez Mt, à la confession de foi, à la
reconnaissance du lien particulier entre Jésus
et Dieu.
En 2,1-12, remarquons que les mages ne font pas l’hommage
de la prosternation au roi Hérode qui, dans les
faits, est pourtant roi des Juifs. Mais ce geste, ils
le réserveront à l’enfant Jésus
(2,11). L’auteur nous propose donc la figure de
païens remarquables par leur foi. Tout d’abord,
ceux-ci se mettent en route, à l’instar
d’Abraham (Gn 12,1-4), sans savoir où cela
les conduira exactement : « Où est
le roi des Juifs qui a été enfanté ? » (v.
20). Mais en outre, c’est en voyant une réalité d’une
banalité déconcertante (une femme avec
son enfant) qu’ils posent un geste qui prend, chez
Matthieu, valeur d’acte de foi. « Et
venus vers la maison, ils virent l’enfant avec
Marie sa mère et, tombant ils se prosternèrent
devant lui » (v.11). Pour employer une tournure
d’allure augustinienne, on pourrait dire ceci de
l’attitude des mages : ils ont « vu » un
enfant, mais ils ont « cru » au
Roi-Messie. (3-) Soulignons
encore un élément non moins étonnant :
l’apparente gratuité de la démarche
des mages. À la différence des autres personnages
de l’Évangile matthéen qui se prosternent
devant Jésus, les mages, pour leur part, n’ont
aucune demande à formuler. D’ailleurs, le
roi enfant semble encore bien incapable de leur accorder
quoi que ce soit. Ils paraissent être venus là que
pour se prosterner et pour offrir au nouveau-né trésors
et présents (v. 11).Et ce faisant, ils bénéficient,
presque malgré eux, d’une christophanie
qui les « réjouit d’une joie
extrêmement grande » (v. 10). Tout cela
s’avère juste. Mais l’auteur matthéen
a également confié une mission à ces
devins orientaux.
Avant d’aborder la question de la mission des
mages, il importe de s’interroger sur le fait de
retrouver une telle qualité de foi chez des païens,
c’est-à-dire des non-Juifs. N’est-il
pas surprenant qu’on nous présente, d’entrée
de jeu, dans un Évangile aussi « juif » que
peut l’être celui de Matthieu, des païens
comme exemples de foi ? En fait, c’est une
perspective très chère à notre évangéliste
que celle de l’ouverture de la foi aux nations
païennes. Dans la suite de l’Évangile,
on trouve d’admirables professions de foi faites
par des païens : c’est le cas du centurion
de Capharnaüm (8,5-13) et de la Cananéenne
(15,21-28). De même, à la mort de Jésus,
le centurion et les gardes romains sont les premiers à confesser
que « vraiment celui-ci était le fils
de Dieu » (27,54). Selon la perspective matthéenne,
il est donc clair que la foi est accessible même à ceux
et celles qui ne bénéficient pas de la
médiation de la loi juive. L’Évangile
est véritablement destiné au monde entier
et cela se trouve maintes fois répété (12,19.21;
24,14; 26,13; 28,19). Donc, situé dans cette théologie,
l’épisode des mages paraît tout-à-fait à sa
place. Sa particularité se situe simplement dans
le fait d’être la première manifestation
de cette accessibilité de la foi aux païens.
Ce récit signe donc l’ouverture d’un
nouvel âge de la foi.
Véritables prophètes d’une ère
nouvelle
Tout le récit de Mt 2,1-12 annonce l’ouverture
d’un nouvel âge. L’apparition dans
le ciel d’Orient d’un astre brillant (v.7),
mais aussi l’arrivée des mages à Jérusalem
pour l’adoration du nouveau-né, voilà des
manifestations qui ne trompent pas. Ce sont là les
signes qu’une ère nouvelle a débuté et
ce n’est rien de moins que l’ère messianique
attendue depuis longtemps par le peuple juif.
Les lecteurs moins familiers du langage biblique peuvent
s’étonner de ce qu’on insiste sur
le caractère messianique de ce récit. Cependant,
les chrétiens d’origine juive, pour qui
a probablement été écrit l’Évangile
matthéen, comprenaient fort bien la symbolique
utilisée par notre auteur. Prenons le temps de
nous y intéresser.
Toute la démarche des mages s’appuie sur
l’observation qu’ils ont pu faire d’un
astre brillant au Levant. Cet élément est
présenté avec insistance :
« en effet, nous avons vu son astre en Orient » (ton
astera en tei anatolè) v.2);
« et voici l’astre (ho aster)),
celui qu’ils avaient vu en Orient (en tei
anatolè) »,
v.9 ;
« ayant vu l’astre (ton astera) » v.
10.
Outre le fait, qu’en Orient, on associe la naissance
d’un roi ou d’un empereur à l’apparition
dans le ciel d’une nouvelle étoile, la tradition
juive en est venue à faire de cette image un symbole
du Messie attendu. C’est en ce sens, par exemple,
qu’a été interprété l’oracle
de Balaam : « Je le vois, mais non pour
maintenant, je l’aperçois mais non de près :
un astre issu de Jacob devient chef » (Nb
24,17). Remarquons que le texte hébreu comporte
et le verbe « voir » (ra’ah)
et le mot « étoile » (kôbab).
La Septante (LXX) (4-),
pour sa part, traduit : « un astre
se lèvera (anatelei astron) ».
Dans les deux versions, on constate que les thèmes
et le vocabulaire sont très proches de ce que
l’on trouve chez Matthieu.
Si la figure de l’astre levant est peu usitée
par l’hébreu pour désigner le roi
idéal à venir, la LXX, elle, n’hésite
pas à l’introduire reflétant vraisemblablement
par là une théologie circulant dans les
synagogues de la diaspora à partir du IIIe siècle
av. J.C. Sur cette question L. Sabourin fait remarquer
qu’en trois endroits, dans la traduction, la Septante
a remplacé l’idée de germe (semah,
en hébreu) par l’image du lever d’un
astre (anatolè, en grec) :
« Voici des jours, dit le Seigneur, où je
ferai lever pour David un astre levant (anatolèn)
juste et le roi règnera et il comprendra et il
fera le jugement et la justice sur la terre » Jr
23,5
« Écoute, Josué, le grand
prêtre (…) voici que moi j’amène
mon serviteur Astre-Levant (anatolèn) » Za 3,8
« Le Seigneur Tout-Puissant dit ces choses :
voici un homme, son nom est Astre-Levant (anatolè)
et d’au-dessous de lui il fera lever (anatolei)
et il construira la maison du Seigneur. Et c’est
lui qui recevra le renom et il descendra et il gouvernera
sur son trône » Za 6,12-13.
Dans ces textes vétérotestamentaires,
on voit que le roi attendu est associé à l’image
du surgissement d’un astre. Et c’est bien
le rapprochement que l’on retrouve dans le récit
des mages. Ceux-ci voient un astre levant et à la
vue de ce signe ils posent la question : « Où est
le roi des Juifs qui a été enfanté ? » (v.
2). L’association est claire. Or ces passages de
l’Ancien Testament ont été reçus
comme des annonces du Messie. Et de fait, c’est
dans cette ligne que nous entraîne le texte matthéen
En effet, le roi Hérode, une fois informé et
de la vision de l’astre et de la naissance d’un
roi, pose immédiatement la question du lieu supposé de
la naissance du Christ (v. 4). Le terme « Christ »,
on le sait, est justement la façon grecque de
désigner le Messie. On constate que la connexion
astre-levant – roi-Messie s’établit
fort bien dans le récit.
Ce fil conducteur nous permet d’apprécier
la mission dévolue aux mages en Mt 2,1-12. Comme
de véritables prophètes du Dieu vivant,
ils viennent révéler aux dirigeants (roi,
grands-prêtres et scribes, vv 4-5) du peuple, en
paroles et en actes, la portée théologique
d’un événement banal : la naissance
d’un enfant. En ce sens, leur mission ressemble
en tous points à celle des mages du livre de Daniel.
Mais à la différence de ces derniers, les
mages de l’Évangile sont désormais
les justes interprètes du signe divin. Par leur
arrivée à Jérusalem et par la question
adressée au roi (« où est le
roi des Juifs qui a été enfanté ? »),
les mages viennent annoncer au pouvoir civil, mais aussi
indirectement aux chefs religieux qui sont consultés
dans cette affaire, qu’une ère nouvelle
vient de débuter, celle du Messie attendu par
les Juifs.
Et comme signe que ce nouvel âge messianique
est bel et bien commencé, il y a ces hommes de
nations étrangères qui, apportant leurs
présents, sont venus à la ville sainte
pour adorer le roi-enfant. Les Juifs croyaient en effet
que Yahvé enverrait un roi-idéal (un messie)
et que celui-ci recevrait l’hommage de toutes les
nations :
« Les rois de Tarsis et des îles offriront (prospherô)
des présents (dôra),
les rois d’Arabie et de Saba amèneront des présents (dôra)
et tous les rois se prosterneront (proskyneô)
devant lui, toutes les nations le serviront » (LXX :
Ps 71,10-11).
À travers le Trito-Isaïe, le peuple attendait
une période bien meilleure que celle du retour
d’exil à Babylone qui avait finalement été décevante.
Isaïe prophétise qu’en ces temps futurs :
« Tous les gens de Saba viendront offrant (pherô)
de l’or et ils offriront de l’encens : et
le salut du Seigneur, ils en annonceront la bonne nouvelle » (LXX :
Is 60, 6).
Étranges correspondances entre ces textes et
le récit de Matthieu ! L’adoration
des mages s’avère donc une prophétie
en actes inaugurant officiellement l’ère
messianique, celle qui se caractérise justement
par le fait que le salut est désormais accessible à toutes
les nations. À l’instar des mages, qui en
sont les prémices, une multitude de disciples,
venus « de toutes les nations » (Mt
28,19), pourront « se réjouir d’une
joie extrêmement grande » en mettant
leur foi en Celui qu’ils contempleront comme l’Astre
Levant.
En terminant, il faut bien le préciser, les
virtualités de Mt 2,1-12 n’ont pas toutes été étudiées
dans ce trop bref article. Mais ces quelques pages suffisent à démontrer
la profondeur théologique d’un récit
trop souvent encadré dans les limites d’une
interprétation quelque peu folklorique. En illustrant,
par la voie d’un récit symbolique, que l’ère
messianique a débuté et que, par conséquent,
la foi est désormais accessible aux païens,
l’auteur du premier Évangile ne fait qu’exposer
des thèmes qui seront exploités et développés
tout au long de son oeuvre.
bibliothèque
virtuelle :
2002-2005 | 2006-2009 | 2011-2016
1- Voir
F. AMIOT, Évangiles apocryphes, Paris, Fayard,
1952, 336 p., spéc. pp 82-88.
2- A.
SCHOLLER, Handkonkordanz zum Neuen Testament, Stuttgart,
Privileg Württ Bibelanstalt, 1953, 534 p.
3- On
aura l’occasion dans un moment de justifier cette
qualification de Roi-Messie.
4- « LXX » désigne
la traduction en langue grecque de l’Ancien Testament
qui a été faite à partir du IIIe
siècle av. J.C.